La petite fille qui devint...
Je suis spontanée et libre. Ca n'a pas toujours été le cas...
J’étais naïve, inquiète, jusqu’à ce que je fasse l’Expérience. Et grâce à elle, je serai chaque jour, plus forte encore.
Comme à chacun, la Vie m’a apportée son lot d’échecs et d’angoisses ;
Ces sourires que je ne voyais pas tant la fatigue s’imposait.
Ces paroles chaleureuses que je n’entendais pas, tant la peur m’envahissait.
Ces câlins que je refusais tant le doute persistait.
Je n’existais pas.
Et un jour, un matin lumineux, calme, je suis allée là-bas dans cette forêt.
J’ai longé les maisons, emprunté ce chemin que mes aïeux foulaient aussi, et me suis enfoncée dans le royaume végétal.
Là, au pied du grand chêne, je me suis assise. Il m’avait vue grandir, innocente ; Mes chants l’avaient ravi plus d’une fois je crois ; Ses racines m’avaient enveloppée à chaque saison.
Je suis allée le voir, cet ami fidèle.
Nous n’avons rien dit.
Ni l’un, ni l’autre.
J’ai fait comme lui. Attendre.
Des araignées sont passées, tranquillement. Les limaces se mouvaient en suivant les contours de mes chaussures. Les fourmis exploraient les coutures de mon pantalon, des papillons se sont égarés dans mes cheveux.
Des insectes aux formes et aux couleurs variées, travaillant, se promenant, jouant, se battant.
Des écureuils s’y sont trompés ;
Même ce couple d’étourneaux, tout juste revenus des courses, n’a pas fait attention à moi. Leur marmaille les accaparait, criant sans cesse, pleurant, réclamant toujours plus.
C’est alors que j’ai compris.
Assise, silencieuse, immobile, j’étais leur arbre.
Sous mes yeux s’agitaient des dizaines d’êtres, dans tous les sens, sans que je puisse comprendre leurs vies.
Partout autour, des bruits résonnaient.
La forêt était une ville en travaux, perpétuellement mouvementée, agitée.
J’étais leur arbre, obligée de regarder, d’assister à leurs vies, futiles, fragiles…
Le soir-même, quand l’atmosphère devint trop fraîche, qu’aucun habitant ne prenait plus soin de m’épargner les piqûres, brûlures ou saletés diverses, je décidai de rentrer.
Je dois avouer : j’ai hésité. Je me suis demandée : " Un arbre quitte-t-il sa ville lorsqu’il n’y est plus bien traité ? "
Le chêne est toujours là ; L’arbre qui abritait les étourneaux est tombé depuis longtemps.
Je suis devenue plus sûre de moi.
J’ai moins peur des humains.
Je suis moins crédule. J’ai trouvé ma place.
Je suis une femme qui, un jour, a été un arbre.